Chapitre 69 

Drago et Harry

DRAGO

Drago passait d'excellentes semaines en compagnie de Mrs Greengrass, une vieille potionniste hors pair qui avait accepté de le former grâce au professeur Slughorn. Ses bonnes manières lui avaient immédiatement attiré l'affection de la sorcière, qui parlait sans cesse de lui présenter sa petite fille, Astoria, mais chaque fois Drago refusait poliment, répondant que son cœur était déjà pris, ce qui faisait minauder la vielle dame telle une incorrigible romantique. Mais Drago lui aussi avait l'impression que de l'eau de rose lui coulait dans les veines tant Potter lui manquait... Leur discussion avant son départ avait été incroyable. Drago avait vraiment pu dire tout ce qu'il avait sur le cœur sans être jugé ou contredit, et il avait également écouté avec attention les confidences de Harry, le comprenant de mieux en mieux après chaque phrase. Contrairement aux apparences et à leurs origines très différentes, Harry et lui avait finalement beaucoup de choses en commun et tombaient souvent d'accord. Ce constat permit à Drago remonter légèrement son estime de lui-même. Après tout, s'il admirait tant Harry et qu'il était capable de leur trouver autant de traits communs, peut-être qu'après tout lui aussi n'était pas quelqu'un de si mauvais...

Cependant, Drago était parti sans le hibou familial, et Mrs Greengrass n'avait que des chats. Il dut donc patienter jusqu'à ce que Narcissa lui envoie une lettre pour qu'il puisse également écrire à Harry. Vivement qu'il ait son propre hibou, rester ainsi sans nouvelle du Gryffondor lui déplaisait beaucoup trop ! Le soir même du jour où il avait enfin pu lui écrire, une superbe chouette grise arriva devant la fenêtre de sa chambre, tapotant doucement le carreau de son bec pour lui signaler sa présence. Drago prit la lettre qu'elle lui tendit d'un geste gracieux, ses yeux s’écarquillant de plus en plus à sa lecture.

Cher Drago,
Et moi qui croyait tout ce temps que ce grand duc était à toi ! Il est inacceptable qu'un sorcier comme toi n'ait jamais eu son propre animal de compagnie, et cette injustice ne pouvait pas attendre jusqu'au 3 Février pour être corrigée. Je te présente donc ta chouette, tu es libre de la nommer comme tu le souhaites !
Cette course étant désormais déjà faite, que dirais-tu de faire autre chose le jour de ton retour ? Je peux te proposer de venir déjeuner chez moi au 12 square Grimmaurd, ainsi nous aurons encore toute l'après-midi et la soirée ensuite, ce qui nous évitera d'être pris par le temps comme la dernière fois. Qu'en dis-tu ?
De mon côté, je ne te donnerai aucune information sur mes cours d'Aurors tant que tu ne m'en auras pas dit plus sur ton quotidien. N'hésite pas à rentrer dans les détails, tout m'intéresse et j'ai justement Hermione à portée de main pour décoder s'il le faut.
Très affectueusement,
Harry

Les derniers mots lui sautèrent aux yeux. Non seulement Harry n'avait pas trouvé déplacé la marque d'affection qu'il avait hésité ajouter à la fin de sa dernière lettre, mais il y avait même répondu et surenchéri ! La phrase « tout m'intéresse » lui trottait également en tête, alors il prit le temps de faire le récit détaillé de sa vie chez Mrs Greengrass, sans mentionner ses tentatives d'entremetteuse pour autant, et accepta avec enthousiasme l'invitation à déjeuner à son retour. Il posa des yeux émerveillés sur sa nouvelle chouette avant que son nom ne vienne enfin à son esprit. Ariana.
Drago renvoya sa chouette chez Harry en plein milieu de la nuit. Il la regardait s'éloigner jusqu'à ce qu'elle eut totalement disparu, toujours béat de bonheur à l'idée que Harry Potter venait de réaliser l'un de ses rêves d'enfant.

Ils continuèrent à s'écrire tous les jours ou presque malgré leurs imposantes charges de travail respectives. Le 3 Février approchait enfin à grand pas. Drago décida de surprendre Harry en venant chez lui habillé en Moldu. Il avait hâte de voir la tête qu'il ferait lorsqu'il verrait Drago dans un jean bleu foncé assez serré et un pull au col en V en cachemire noir. Il s'était même résolu à mettre des baskets noires, et dut admettre que l'ensemble était particulièrement confortable. Sous son pull, il portait un t-shirt vert bouteille, mais malgré que Hermione ait su effacer sa Marque, il n'était pas encore sûr de s'il oserait retirer son pull devant Harry et se présenter en manches courtes. Drago, après avoir chaleureusement remercié Mrs Greengrass pour son apprentissage, et lui avoir promis que dans une autre vie parallèle il fonderait une famille avec sa petite fille, transplana au Manoir avec toutes ses affaires. Narcissa fut surprise de le voir en tenue de Moldu, mais plus que tout elle était aux anges de voir son fils rentrer, même quelques temps, à la maison. Leur demeure était d'ailleurs pleine de vie avec les patients et les infirmières qui emplissaient le lieu dans un joyeux chaos. Le sourire de Narcissa s'effaça légèrement lorsque Drago lui annonça qu'il ne restait pas déjeuner et qu'il avait des choses prévues « avec des amis » pour le reste de la journée. Pas bernée pour le moindre du monde, sa mère lui demanda de « passer le bonjour de sa part à Harry Potter lorsqu'il le verrait ». Drago acquiesça d'un signe de tête avant de transplaner, mais il savait que sa mère l'avait vu rougir avant qu'il n'ait pu partir. Il avait aussi remarqué qu'elle souriait, donc que tout cela ne représentait peut-être pas trop un problème pour elle.
Son arrivée devant la maison de Harry chassa immédiatement ses préoccupations parentales tant il était impatient de le retrouver.

Il ne devait pas être le seul à être pressé, car à peine eut-il sonné que des bruits de courses se firent entendre le long du couloir et Harry lui ouvrit très vite la porte, à peine essoufflé, un grand sourire sur les lèvres. Comme c'était à prévoir, il ouvrit de grands yeux devant l'accoutrement de Drago, avant de marmonner que cela lui allait particulièrement bien. Il se rattrapa avec une blague sur le fait que peut-être le sang de Drago n'était pas si pur que ça et qu'il avait probablement des ancêtres moldus, ce à quoi Drago lui répondit d'une voix traînante soigneusement préparée :
-Tu sauras pour ton information, Potter, que les Moldus ne sont pas si différents de nous !
Ce qui lui valut le plus bel éclat de rire de Harry alors qu'il lui faisait signe de le suivre dans la grande maison.
Son elfe de maison Kreatur leur avait préparé un somptueux repas, et devant la quantité de nourriture présente sur la table, Harry lui expliqua que Ron et Hermione vivaient avec lui, et que, bien qu'ils aient dû s'absenter pour la journée, Ron piquait une crise s'il loupait le moindre repas de Kreatur, et qu'il fallait donc lui garder des portions de tous les plats. Drago savoura l'information qu'ils resteraient seuls tous les deux pour la journée... Dans cette chaleureuse cuisine face à tous ces plats faits maison, Drago eut soudainement envie de dérouter à nouveau son nouvel ami et de lui préparer quelque chose lui-même. Profitant d'un moment où Harry avait quitté la cuisine pour chercher quelque chose, il interpella Kreatur et lui demanda si Harry avait un gâteau préféré.
-La tarte à la mélasse, Monsieur, répondit dignement Kreatur en le traitant avec beaucoup de respect. Son appartenance à une noble famille de sorcier lui avait immédiatement valu l'acceptation la plus totale de l'elfe.

Lorsque Harry revint dans la pièce, il tenait dans ses mains un bout de parchemin très abîmé... En le reconnaissant, Drago se figea, et Harry lui expliqua que Narcissa lui avait donné sa lettre juste après leur procès. Il lui raconta alors la vie de son parrain, dont c'était apparemment la maison de famille, et entra dans les détails de sa tristesse suite à la perte de cette figure si importante à ses yeux. Ses mots émurent Drago et achevèrent de sceller sa décision. Pour détendre l'atmosphère, il se vanta de désormais savoir faire plein de choses par lui-même, comme cuisiner. Il annonça qu'il était un excellent pâtissier, et devant les rires de Harry, il lui promit de lui préparer une tarte à la mélasse ce jour même ! Harry parut surpris qu'il connaisse son dessert préféré (merci Kreatur !) et accepta à une condition : Drago devait tout faire de manière moldue. Il irait à pied à la supérette la plus proche, ferait les courses avec de l'argent moldu et reviendrait cuisiner le gâteau dans la cuisine de Harry. Drago faillit se dégonfler mais décida de relever le défi du Gryffondor. Lorsque ce dernier fit mine de l'accompagner, il l'arrêta tout de suite, disant qu'il comptait bien se débrouiller tout seul et s'en sortir à merveille. Devant son air un peu déconfit, Drago promit de faire très vite, de sorte à ce qu'il leur reste encore beaucoup de temps ensemble.

En marchant dans une ruelle en direction de la supérette, Drago était particulièrement excité à l'idée de montrer à Harry ses nouvelles compétences. Harry Potter avait beau être l'un des plus grands sorciers de son temps, la culture moldue faisait également partie intégrante de sa vie, or Drago ne voulait plus rien manquer dès qu'il s'agissait du Gryffondor. Pris dans ses pensées, il n'entendit pas les bruits de pas qui se rapprochaient derrière lui.
-Tiens, tiens, malgré cette tenue inattendue, ne serait-ce pas Mr Malefoy ?
Drago se retourna vivement, surpris. Un couple l'avait rattrapé et se tenaient un peu trop proche de lui, d'un air pas tout à fait bienveillant.
-Ex...excusez moi, qui êtes vous ? Puis-je vous aider ?
-Puiiiizvouuuuzaidéééé ! se moqua immédiatement la femme. Elle était grande et fine, et mais son compagnon lui était très imposant. Drago recula d'un petit pas, mais ce fut une erreur. La femme éclata d'un rire mauvais.
-Alors Môsieur le Grand Mangemort, on fait moins le malin sans son Maîîître hein ?!
-Je ne suis plus un Mangemort, je ne l'ai plus été depuis longt....
-MENTEUR ! elle avait poussé un hurlement perçant et s'était rapprochée, suivi de près par l'homme avec elle. Drago voulut reculer, mais son coude cogna le mur de la ruelle derrière lui qui le bloquait. Il allait falloir qu'il sorte sa baguette... mais l'homme fut plus rapide, lui attrapant les bras pour les plaquer contre son flanc. Drago ne pouvait plus bouger.
-Une fois un Mangemort, toujours un Mangemort, avait susurré la femme en approchant son visage à quelques centimètres de celui de Drago. De nos jours, il est si rare de tomber sur l'un d'entre vous comme cela par hasard... Non pas que vous ne soyez pas nombreux en liberté, bien trop nombreux d'ailleurs ! Cette garce de Granger et ses idées « révolutionnaires »... A cause d'elle le ministère s'est montré bieeen trop gentil avec vous ! Mais nous n'étions pas tous d'accord, oh non !...
L'homme ricanait bêtement, resserrant la pression sur les bras de Drago qui jetait de petits coups d'oeil aux alentours, si seulement quelqu'un pouvait les apercevoir ! Mais il savait que depuis la rue personne ne les verrait, et regrettait déjà d'avoir emprunté la ruelle pour prendre un raccourci...
-...alors lorsque le ciel nous fait cadeau d'un joli petit Mangemort en liberté qui nous tombe tout pile dans les bras, je pense bien qu'il ne faut pas louper l'occasion...
Sans prévenir elle gifla Drago avec force. L'homme redoubla ses ricanements. Drago sentit le goût du sang dans sa bouche mais il ne lui ferait pas la satisfaction de lui montrer qu'elle lui avait fait mal. Il la dévisagea juste d'un air superbement hautain et narquois.
-Ooooh, on ne se laisse pas facilement impressionner Môsieur le Mangemort ? Tant mieux parce qu'on ne fait que commencer. Shaun, tiens le bien ! ENDOLORIS !

Drago l'avait déjà vécu par le passé mais la douleur qui explosa alors dans tous ses membres lui arracha quand même un cri. Il se tordait de douleur, plaqué contre le mur de briques froides, perdant momentanément de grosses parties de son champ de vision.
-Attends Alicia, dit soudain Shaun avec une intonation mauvaise comme s'il venait d'avoir une idée. Regarde comment il s'est accoutré comme un Moldu ! S'il aime autant que cela les Moldus maintenant, peut-être qu'on peut le faire souffrir comme tel !
Une fraction de seconde avant qu'elle ne lui réponde, Drago se dit qu'il connaissait désormais leurs deux prénoms, donc soit ces deux-là étaient les pires supervilains de tous les temps, soit ils n'avait aucunement l'intention de le laisser dans un état où il pourrait témoigner contre eux...
-Mais c'est une excellente idée ça ! s'exclama Alicia avant de frapper du poing de toutes ses forces en plein dans le visage de Drago. Sa tête partit violemment en arrière, cognant violemment l'arrière de son crâne sur l'angle d'une brique du mur. Drago sentit quelques gouttes d'un liquide chaud lui couler dans la nuque... Shaun le lâcha enfin mais uniquement pour lui mettre un monumental coup de poing dans l'estomac qui lui coupa le souffle. Des tâches lumineuses étaient apparues dans le champ de vision de Drago, mais il luttait pour rester debout sur ses jambes tremblantes. Sa résistance agaça les deux autres plus qu'autre chose, et Alicia l'étala par terre d'un coup de pied dans le plexus solaire. Une fois au sol se fut pire : ses deux assaillants firent pleuvoir sur lui une interminable série de coups de pieds. Drago n'arrivait plus à distinguer d'où arrivaient les coups, d'ailleurs il avait désormais tellement de sang sur le visage qu'il ne voyait rien du tout. Il se sentait lâcher prise doucement, la douleur lui semblait presque un peu distante, comme si ce n'était plus vraiment son corps, comme s'il n'était plus vraiment là... Quelque part en hauteur, un hibou hulula et les coups s'interrompirent soudain.
-Viens Alicia, on s'en va, il a eu son compte je ne pense pas qu'il s'en relèvera. La femme laissa échapper une sorte de rugissement rageur, cracha dans la neige à côté de Drago puis emboîta le pas de son compagnon. Le « pop » qui résonna dans la ruelle indiquait qu'ils étaient enfin partis. Mais même une fois débarrassé de ses agresseurs, Drago ne pouvait plus bouger. Ses membres ne semblaient pas vouloir lui répondre. Drago vit du coin de l'oeil que sa jambe formait un angle très étrange au niveau du genou, et qu'une large tâche rouge sur son flanc se répandait de plus en plus autour de lui dans la neige...

Drago n'avait pas du tout envie de mourir, pas sans avoir dit à Harry ce qu'il ressentait... Mais là, par terre et tout seul, il n'arrivait pas à trouver la moindre idée pour s'en sortir... Ses pensées se vidaient hors de sa tête aussi vite que le sang hors de sa poitrine... Il avait froid... Son cerveau se retrouvait pris dans une sorte de coton épais... Puis le monde bascula dans l'obscurité.